marae de mahaiatea
Préface
Pour une bonne compréhension de la langue polynésienne au cours des textes qui suivent, cette langue est agglutinante et ne comprend que cinq voyelles ( a, e, i, o, u ) le u se prononce ou et le e = é ou è. La consonne H se prononce en expirant ex. . ha.
Le marae est le temple à ciel ouvert des Polynésiens. À l'origine c'était un lieu de rassemblement où se tenaient des activités communautaires. Mais sous l'influence des rois et des prêtres, il a pris une autre dimension, et est devenu plus tard un lieu sacré destiné aux activités des dieux. Avant tout, le peuple polynésien est celui d'un vaste océan, et à l'évidence, le rituel de leur temple est axé sur les symboles astraux et les moyens de navigation. Le marae est la réplique en pierre de leur embarcation, et la pierre céleste de fondement tumu nui ( grand tronc ou racine ), le dieu Taaroa ( grande séparation ou grand ancêtre Tangataroa par la chute des phonèmes ngta ). Cette pierre est aussi celle de fondement des familles de Ariki ( rois – princes ). Chaque famille a une pierre généalogique qui fait la liaison avec le pô ( les ténèbres de la création ) des dieux et ainsi marquer l'origine et la durée dans le temps. Tout le rituel tourne autour des symboles astraux pour ce qui est l'art de la navigation et des différents dieux de la cosmogonie pour chaque événement de la vie.
De l'ancien culte, il ne reste rien, à l'exception de quelques récits mythiques et chants de marae, la civilisation maohi est essentiellement orale. En tant que peuple issu de la mer, leur temple est à l'image de leur pirogue voguant à ciel ouvert construit sur une place dont la dénomination première signifie être à découvert marae. Dans la genèse du monde polynésien tout commence dans la nuit pô, ainsi la nuit semble plus importante que le jour ao, démontrant le rapport que les rois navigateurs entretiennent avec les astres. Le véhicule principal des découvertes maritimes, la pirogue, est au centre de la vie cultuelle sous la forme de la pirogue de pierres, le marae. La pierre sacrée ou généalogique, le marae et la pirogue constituent les emblèmes visibles du pouvoir du souverain.
l'archétype du marae
Pour les anciens, le dieu créateur Taaroa est, lui-même, son propre temple et l'univers son corps. La voie lactée, les étoiles, le soleil, la lune et la terre sont les différentes essences de son être. Voir ce chant de la création : " Taaroa se développa lui-même dans la solitude. Il était son propre parent, n'ayant ni mère ni père. Il était confiné dans une coquille d'un oeuf qui tournait dans l'espace et dans l'obscurité permanente depuis des millions d'années. Rumia ( bouleversé ) était le nom de cette coquille. Il n'y avait ni lune, ni soleil, ni terre, ni montagne tout était à l'état de chaos. Il se fatigua de son isolement, frappa son enveloppe et une fissure apparut semblable à un trou de fourmi par lequel il sortit et se dressa sur sa coque. Il regarda autour de lui et constata qu'il était seul. Tout était silencieux et une obscurité abyssale régnait au-dehors. Il s'écria : Qui est là-haut? Qui est là en dessous? Personne ne répondit! Qui est là devant? Qui est là derrière? Personne ne répondit! Qui est là à gauche? Qui est là à droite? Personne ne répondit! Seul l'écho de sa voix résonnait dans le silence! Il demeura confiné dans l'obscurité totale et devint un jeune homme. Voici les personnages qui étaient en lui-même : mémoire, pensée, regard fixe et observation.
Au bout d'un temps incommensurable Taaroa se lassa définitivement de son isolement. Il brisa sa coquille et la souleva pour en faire un dôme pour le ciel et l'appela rumia, c'est la demeure du soleil, de la lune, des constellations, des galaxies des dieux qui sont eux-mêmes une portion de cette coquille. Il fixa le dôme du ciel sur des piliers unu ou too avec lesquels il étendit l'espace atea. Avec l'autre moitié de la coquille, il fit la grande fondation du sol Haruru'papa ( roc qui résonne ) pour qu'il soit le mari et le roc stratifié papa'raharaha pour qu'il soit la femme. Les dieux naquirent dans les ténèbres, les hommes le furent beaucoup plus tard. Lorsque Taaroa secoua ses plumes ( mythe de l'homme oiseau ) en tombant sur la terre elles devinrent des arbres, et de ses viscères il fit les nuages, les rivières et les océans. " Ainsi se termine ce chant de la création, il en existe d'autres sur la création de l'homme et des dieux.
situation topographique du marae.
Le marae d'importance nationale ou internationale est toujours édifié sur un cap en face, le plus souvent, d'une passe qui est appelée la passe sacrée te ava'moa. Cette permanence dans l'édification des marae de cap est due en fait, au point de chute des pirogues qui comme des oiseaux atterrissent sur les pointes otue qui sont bien souvent dépourvus de récifs frangeants. Les autres marae de moindres importances sont édifiés dans les vallées ou sur les plateaux. Le monument le plus ancien de Polynésie est Taputapu-atea ( la sacrée lointaine ), de type internationale, se trouve à Raiatea aux îles-sous-le vent. Le nom vient de la locution taura'a a tapu ce qui signifie : aire d'atterrissage pour les sacrifices. Le terme taura'a assimile la pirogue à un oiseau, le messager des dieux. L'accès au temple est interdit au commun des mortels par un enclos. Seuls les prêtres, les rois et les nobles peuvent monter sur la cour tahua. On peut distinguer trois classes de marae d'importance publique: l'international, le national et le local et quatre classes d'importance domestique: le marae ancestral, des docteurs, des constructeurs de pirogues et des pêcheurs. Ils sont construits en pierres volcaniques ou en aggloméré de calcaire papa sans liant, soit en hauteur en forme de parallélogramme pyramidal, soit sous forme de monuments bas, carrés ou rectangulaires.
la construction du marae.
Lors de l'édification d'un marae national ou royal une branche de ti ( cordelyne) est plantée dans le terrain de réunion de la maison royale, ti patia ( ti planté ). C'est le signe que des restrictions religieuses tapu sont étendues aux porcs, à la volaille et à tous les produits du sol ainsi qu'aux lieux de pêche. Toutes ces victuailles sont rassemblées pour l'époque de la construction, car pendant cette période plus personne ne doit vaquer à ses propres occupations. Une grande solennité se répand dans l'atmosphère tout autour de la construction. Un campement puhapara'a est installé pour les travailleurs qui doivent quitter leur famille pour se consacrer à cette tâche. D'autres campements sont établis à l'intérieur de l'île pour les vieillards, les infirmes, les femmes et les enfants ainsi que pour les animaux domestiques de manière à ce qu'aucun bruit ne perturbe la construction.
Le lieu consacré devient tabou,(*) il ne doit plus y avoir de feu et la population est tenue de parler à voix basse. En cette occasion, le chef du district matae'inaa réquisitionne tous les hommes valides du village. Les uns s'occupent de la cuisine et du ravitaillement pour les campements respectifs, les autres sont chargés de rassembler les pierres. Sous la direction d'un prêtre appelé tahu'a-marae, les pierres irrégulières sont taillées en blocs et en dalles avec des instruments en pierre dure. Les galets ronds sont laissés tels quels et servent à boucher les interstices.(* ) - tapu)
Les marae dédiés au dieu de la guerre Oro se différencient des autres par des pierres de tailles en forme de têtes de tortues, placées à intervalles réguliers sur les côtés de l'édifice. Lorsque toutes les pierres sont réunies, le terrain destiné à l'édification est nettoyé et arrosé soigneusement d'eau de mer par les prêtres pour le rendre sacré. Une pierre est alors prise sur un autre marae familial ou de la tribu pour servir de pierre principale de fondation ofai'faoa d'une nouvelle lignée de chef. Un homme est sacrifié et placé dans le trou destiné à recevoir cette pierre. Son esprit doit désormais monter la garde en ce lieu. La pierre est alors placée sur le corps pendant que le prêtre invoque le dieu tutélaire du temple. Cette cérémonie de consécration se passe au clair de lune. Une autre pierre correspondante appelée levé-dominant tiavâ est placée dans le coin opposé et ces deux pierres sont appelées pierres d'angle tihi'marae. Les pierres sont assemblées dans un grand silence, puis entassées suivant les instructions du prêtre tahu'a-marae. D'énormes blocs de roches stratifiées de trente à quarante-cinq centimètres d'épaisseur et d'environ quatre mètres de long sur trois de large sont utilisés ainsi que d'autres grands blocs de roches volcaniques.
définition du terme marae
Le marae est le lieu où se tient l'assemblée des dieux et des rois Ariki. Le sens idéalisé que l'on peut mettre sur ce mot est nettoyé ma et ensoleillé ra'e. Alors que le sens commun est le terrain nu sans arbre et ensoleillé que donne le verbe nettoyer marari qui est issu de cette racine. A l'origine la plate-forme tahua servait de lieu de réunion sur une place dégagée et ensoleillée. Pour ce qui est d'une certaine similitude, il faut remarquer que le ahu est le pendant du tahua en ce qui concerne les chefs Ariki, lorsqu'ils tiennent leur assemblée avec les dieux. Le Ahu est le substitut de la montagne des dieux. Cette image est à rapprocher de celle de la pierre d'investiture appelée te papa-tea-i-arue ( le roc blanc des acclamations ). Le futur roi ou la future reine est placée dans un grand siège sur ce bloc de pierre au milieu de l'acclamation arue de la foule qui s'est rassemblée pour la cérémonie. Le roi, lors de son sacre, porte la ceinture de plumes rouges, bordée de jaunes et de noires de deux mètres de long et 15 cm de large, l'emblème de la royauté et de la force.
Ahu et Unu |
Ahu et plate-forme |
Le marae est issu de l'association des deux éléments topographiques, la cour tahua et la plate-forme ahu. Il était primitivement composé d'une seule plate-forme ahu avec une assise verticale et un remplissage de pierres et de sable. L'assise verticale est faite de grands blocs de corail et de roches basaltiques. La plate-forme est initialement de forme simple, puis on y a ajouté d'autres plate-formes implantées en retrait les unes sur les autres. Les dimensions des ahu sont très variables. Les valeurs extrêmes vont de 1 mètres à 3 mètre pour une hauteur de 15 cm à 1 mètre. La longueur peut atteindre 80 mètres environ, la largeur 7 mètres et la hauteur dans certains cas atteignent 13 mètres. Le ahu est l'endroit le plus sacré du marae. Seul y accèdent le Roi et quelques prêtres. Ce n'est pas un autel pour les offrandes. Celles-ci sont déposées sur des plates-formes appelée fata. Le ahu est l'espace sacré, réservé aux dieux et aux ancêtres.
la cour tahua
La cour tahua, la partie réservée aux vivants, est destinée à des activités collectives hoho. Le pavage de la cour est appelé paepae, il peut être à niveau pour obtenir une surface plane ou en palier. Il arrive parfois que la cour soit ouverte ou enclose. Dans ce dernier cas, l'enceinte est constituée d'un mur en pierres appelé pa ou patu. Le sol sur lequel est implanté le marae est appelé réceptacle vauvau.
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La cour a la forme d'un rectangle, sa largeur est plus souvent comprise entre 1/3 et les 2/3 de la longueur. Mais on trouve aussi des structures carrées. Le terme tahua vient de la racine tahu qui veut dire invoquer ou faire du feu d’où découle la fonction de prêtre tahu’a celui qui invoque tahu. Le a final est le substantif du verbe. Le mot ainsi formé indique normalement le lieu ou le moment où s’accomplit l’action.Mais ce vocable est tiré de la racine ahu qui est un vêtement ou revêtement. La signification est dans ce cas te'ahu le revêtement ou le verbe revêtir ta'ahu. Mais à l'appellation tahua s'oppose également une autre désignation qui est le mahora, le préfixe ma indique l'idée de propreté et de pureté.
Alors que la racine hora est le verbe étaler ou répandre qui peut être exprimé de la façon suivante hoho'ra étaler sous le soleil Ra. Il convient cependant de remarquer que hoho désigne les activités collectives qui se déroulent sur le tahua qui est exposé sous le soleil. Donc la dénomination mahora veut dire étaler sous le soleil. Il en est de même du mot marae. Dans ce nom, on trouve deux racines. La première est ma qui signifie mère ou propre et la seconde est rae qui est le front, la partie la plus noble de l'individu est comparée au soleil ra. Le e final sert à déterminer le nom.
Le qualificatif ra sert donc à notifier l'idée de noblesse et de hiérarchie qu'on retrouve dans le vocable Raatira (chef) qui est issu du mot ancien rangatira, celui qui se tient près du mât. Son origine d'après le dictionnaire, le Davis des Vernier, est issue du Malais ( Raja, Radja = roi ). Mais le sens étymologique vient du sanscrit, et signifie roi. En utilisant plusieurs racines de ce terme on arrive à des idées intéressantes. Ainsi la racine atira qui est précédée de l'affixe ra signifie descendant du soleil Ati-Ra, ce qui est donné par le soleil Ra et descendant Ati. Certes on peut également dire que ce nom signifie sainteté Raa du mât tira ce qui n'est pas évident, à moins que cette expression fasse allusion au mât du marae, ce qui semble plus compréhensible. Il résulte de là que si la dénomination Raa signifie également élévation ou soutient du Tira, le sens commun serait élevé comme le mât du marae ou celui qui se tient debout près du mât, le navigateur ( chant du marae : du périple de Hina et Ru autour de la terre ).
la répartition du sol
Un autre fait qu'il est bon de signaler ici est le nom donné aux petits chefs iatoai dont la racine iato est la traverse qui relie la pirogue au balancier ama. La terminaison ai paraît être une contraction du mot tai l'océan. Le sens serait : celui qui se tient du côté de l'océan, ceci se retrouve également dans la répartition de la structure sociale à terre, le côté mer est appelé iato-tai, celui des chefs alors que le côté montagne est appelé iato-uta, le lieu du peuple Manahune.
la répartition du sol
En ce qui concerne la famille royale, les aînés sont en bord de mer où se trouve le marae de l'accostage du premier navigateur de la famille. Les cadets sont en arrière plan secondant les aînés. C'est parmi eux que les prêtres sont choisis pour que le pouvoir ne sorte jamais de la famille. Les chefs contribuent à maintenir ce pouvoir en place en fournissant les guerriers et à l'occasion les sacrifiés qui sont appelés poisson aux longues jambes.
orientation du marae
Au cours des siècles la réunion de l'ensemble tahua et ahu a donnée naissance au marae traditionnel de la civilisation polynésienne avec cour et plate-forme. Mais il reste encore d'autres considérations au sujet du marae. Il semble être un temple solaire, bien que cela n'apparaisse pas tout à fait conforme à l'idée établie. Cette hypothèse est confortée par la racine ra, le soleil de ce mot. Le temple par lui-même est à découvert, il n'existe pas de bâtisse sur son aire. Le soleil le traverse de part en part dans le sens longitudinal pour ceux qui sont orientés Est-Ouest et en diagonale pour ceux qui sont orientés Nord-Sud.
Il semble que pour ceux qui sont orientés de cette dernière manière, l'axe longitudinal est situé de part et d'autre de l'axe magnétique Nord-Sud. De sorte que la grande majorité 70% des marae sont orientés selon cet optique : sens Nord-Ouest et Sud-Est et sens Nord-Est et Sud-Ouest. Cette orientation appelle la réflexion suivante, les Maohi ont essayé d'orienter leur temple selon cet axe Nord-Sud. Mais ils ne sont pas parvenus à le faire convenablement du fait de la période choisie pour la construction du marae qu'on suppose aux solstices de juin et de décembre suite à leurs inclinaisons par rapport à l'axe Nord-Sud. Cette anomalie est liée à la période d'abondance des produits de la terre et de la mer afin de nourrir la population pendant la construction de l'édifice. Le marae de Taputapuatea est l'exception. Son axe longitudinal est exactement orienté dans le sens Nord-Sud. Il y en a une dizaine dans cet optique.
le marae image de la pirogue sacrée
Le marae est, comme tout temple, une réplique terrestre des archétypes célestes et comme telle est lié à l'observation la nuit du mouvement des astres. La construction d'un marae obéit-elle à cette logique de l'observation des astres? Car la consécration d'un marae d'importance s'effectue la nuit sous la lumière de la déesse Hina ( la lune.. Inana ) et des étoiles ana qui sont les piliers du ciel Rumia. Il synthétise également un ensemble de symboles sur le voyage qui s'accomplit sous la protection des dieux et des astres. Or il y a tout lieu de penser que l'édifice tout entier est l'image d'une pirogue, les accessoires et une certaine terminologie sont en rapport avec l'art de la navigation. Pour caractériser cet aspect lié à la navigation les différentes parties du marae sont désignées sous la même dénomination que celle d'une pirogue. L'avant où se trouve la plate-forme est appelé Ahu mua ou Reimua, la proue.
Ahu mua
L'arrière muri, le lieu du peuple, représente la poupe de la pirogue ou Reimuri. A ce propos le terme nia désigne le haut, il est vrai que le bas, l'arrière, est signifié par le mot raro. Les murs d'enceinte dans le sens longitudinal sont qualifiés du terme aumoa qui est l'ancienne dénomination de la pirogue. La partie arrière, toujours du côté latéral, porte le nom de ripoa. Ce terme s'applique également aux sillons et tourbillons, provoqués par les rames, que la pirogue laisse derrière elle.
Ripoa ou Koru symbole des maori et d'air New Zealand
Dans le chant des marae le rapprochement de la pirogue avec ce monument est clairement affirmé par le qualificatif " e taere tera no te ariki - cela est la quille du Roi ". Cette assertion est soutenue par le fait que le marae devait être divisé en côté droit atea et côté gauche ama comme sur une pirogue. Le côté du balancier ama est réservé aux femmes, tandis que le bord droit atea est pour les hommes. On observera également qu'une des pierres dressées du marae, celle de gauche à valeur généalogique porte le nom de iato, c'est-à-dire la traverse qui relie le balancier ama à la pirogue.
les accessoires de la pirogue des dieux
Après la description qui a été faite du marae en tant que pirogue du Roi ou comme le rocher de la Grande Fondation du monde, il reste les accessoires connexes qui sont les instruments de la navigation. Ces objets revêtent pour certains une signification spatiale par leur aspect symbolique. C'est pourquoi, on trouve sur la plate-forme, des mâts tira comme sur les pirogues et sur lesquels flottent des banderoles de tapa. On peut voir également des pagaies, des oiseaux en bois ainsi que les deux tambours tai-moana ( qui résonne en mer ), et la conque marine pu-tai-i-te-aehaa, la trompette qui résonne jusqu'à l'horizon. Les appels de la conque marine et les battements du tambour servent de signal aux barreurs, la nuit, afin que les pirogues puissent naviguer de paire, car on n'allume pas de feu de signalisation à bord. Il y a également la baleine noire ou l'oiseau blanc de Taaroa et l'arche du dieu,( le dieu était représenté par une perche sacrée too ).
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Le too est l'image du dieu guerrier Oro hua-manu. Il se compose d'une pièce en bois de fer toa d'environ 50 cm à 2 mètres de longueur enveloppée par une natte en fibre de bourre de coco couverte de plumes d'oiseau, rouges et jaunes (les couleurs de la royauté). Il faut noter que dans un sens plus large, c'est également la longue perche que les navigateurs utilisent pour pousser leurs embarcations. Taaroa s'en est servi pour étayer le cosmos primordial rumia. Autrefois et encore aujourd'hui les guerriers les plus valeureux sont appelés Toa.
Les unu ou les grands piliers du ciel représentent ana mua, ana roto, ana mûri et toutes les étoiles majeures du ciel ruma. A l'origine ce sont les instruments de l'expansion de l'espace Atea et de l'apparition des étoiles qui sont ses enfants. Par ailleurs les signes sacrés tapao sont nommément appelés comme étant l'assemblée des prêtres qui sont les étoiles éminentes : Polaris, Antarès, Régulus, Zuber-chémali,Dubhe, Alphard, Acturus, Procyon et Bételgeuse. Les étoiles sont également appelées fetu et dans la langue actuelle fetia. Les autres composants du marae sont constitués par des objets rituels fixes et mobiles que l'on peut déplacer. Les symboles fixes sont représentés par la structure elle-même et l'enceinte sacrée. Ensuite on trouve des pierres levées, des pierres d'angle ou cornes tihi, les dents ou niho et la fosse à rebut tiri a pera.
Il y a également deux petites niches dans le mur antérieur du ahu. Elles servent de réceptacle au dieu Taaroa qui est représenté symboliquement sous la forme d'une baleine de couleur noire et d'un oiseau blanc. Cette niche est entourée d'un petit enclos appelé avaa-iti. Le sommet de la plate-forme ahu est appelé paepae. C'est là que se trouve également un enclos appelé avaa-rahi dans lequel on place l'image du dieu lorsqu'elle est apportée au marae dans sa petite arche. Il existe également un autre objet d'appel le toere fait dans un tronc d'arbre creux de 1 mètre de long, affublé d'une fente. Le son sinistre de cet instrument que l'on battait avec un rythme particulier annonçait le commencement et la fin de l'offrande d'un sacrifice humain, remplissait de terreur la population.
L'arche du dieu est une petite maison portative de 1,20 mètres de long, 0,75 de large et environ 0,90 de haut. Elle n'a qu'une seule ouverture par où est introduite l'image du dieu. L'intérieur est caché par un tissu qui ferme l'entrée. Des oeillets en corde situés aux quatre extrémités sous l'arche permettent à cette dernière d'être soulevée et maintenue en place. Le dieu dans ses pérégrinations de marae en marae voyage dans ce faretini'atua ( petite maison du dieu ) et notamment à bord de la pirogue sacrée te Anuanua ( l'arc-en-ciel ). Mais il existe un autre genre de maison de dieu dont la structure avait la forme d'une pirogue renversée.
Les autres éléments fixes se trouvent à l'extérieur de la cour tahua, mais toujours à l'intérieur de l'enceinte aua-teni, et sont formés par la maison de la momie fare tupapa'u, l'abri de la pirogue du dieu fare va'a-a te-atua et la case sacrée fare ia-manaha. D'autres images des dieux sous la forme d'oiseaux en bois montent la garde autour du avaa-iti. De petites images tapâ'o, faites de feuilles de cocotier tressées représentent les prêtres et des socles de prières ofai-tuturira'a constituent un ensemble appelé aho, souffle de vie du marae.
consécration du marae
La consécration d'un marae s'ouvre par la cérémonie d'installation ou dédicace hao-marae. Elle consiste en une procession au cours de laquelle de jeunes vierges, vêtues de longues robes de tapa blanc, couronnées de fleurs blanches de gardénia, précédées par le clergé, répandent des fleurs sur la cour de l'édifice. Le roi en cette occasion porte son costume de plumes, et les chefs leurs vêtements d'apparat. La procession s'arrête sur un côté du marae et les jeunes vierges font le tour en lançant les dernières fleurs sur l'édifice et le pavage. Le grand-prêtre sanctifie le temple par aspersion d'eau de mer, puis exhorte les dieux à honorer ce lieu de leur présence, et au dieu tutélaire à prendre possession de sa demeure et à recevoir ses invités, hôtes des dieux. Ensuite le roi escalade le marae, redescend du côté opposé et revient à sa place. L'ascension du Roi e'arâa o te ariki sacralise le marae que le grand-prêtre déclare très sacré mo'a roa. Or ce terme arâa l'ascension découle certainement de la racine ara qui est une route, peut être à l'origine également de la racine râa qui signifie sacrée ou sainteté.
la cosmologie et la théologie
Elles sont dédiées à Taaroa et particulièrement au dieu tutélaire du marae. Le concept du marae et sa terminologie relèvent de la navigation dont les mots techniques appartiennent à cette science. L'art de la navigation était l'affaire d'une élite, celle des Rois requins. A ce propos, cette louange que l'on adresse au roi sur le marae le démontre d'une certaine manière. Les étoiles, la lune, le soleil sont tes guides, tes guirlandes qui entourent le ciel. Le grand prêtre en montrant les symboles sacrés au Roi disait: voici la vie du marae, les signes sacrés tapao, l'assemblée des prêtres, Polaris Ana-nia, Antarès Ana-mua, Régulus Ana-roto, Zuberrel-Chemali Ana-muri, Dubhe Ana-tipu, Alphard Ana-heuheu, Acturus Ana-tahua taata metua, Procyon Ana-tahua vahine et Betelgueuse Ana-iva. La présence de ces symboles vivants sur l'art de la navigation participe de l'enseignement rituel du Ariki, dont certains aspects ont été soulevés par l'explication du mot Raatira. A ce propos une remarque doit être faite le marae offre un aspect en apparence duel par sa dédicace à Taaroa et au dieu tutélaire de la tribu ati d'une part selon le chant de la création et d'autre part comme la pirogue de pierres du roi montrant sa supériorité en tant que Raatira et découvreur de nouvelles terres.
l'Ave'ia, le cap des étoiles
Malgré le peu d'écrits sur leur croyance leur religion est essentiellement ésotérique réservée à une élite. Le peuple n'y a pas accès. Seuls les Ariki et les nobles peuvent prétendre à cette connaissance dont l'enseignement se fait dans une langue archaïque. C'est par une prise de conscience au fur et à mesure de l'avancement dans l'étude des symboles du temple que le rituel de la religion des Maohi m'est apparu axé sur le cosmos, les astres et la navigation que font découvrir les chants du marae. Le rituel a pour but d'inculquer à ceux qui ont droit d'être sur la cour tahua de comprendre le mouvement des astres ( lever et coucher ), et aussi d'être initiés à la rose des vents et donc aux quatre points cardinaux. Allongés sur le pavage, la tête au Sud ou au Nord ils observent la fuite des étoiles glissant vers le couchant. C'est avec le prêtre que le Ariki en tant que guide d'un peuple de marins apprend le sens des courants océaniques, le mouvement des astres et la direction des alizés au cours des deux saisons de l'année, fraîche et chaude qui correspondent à Janvier et Juillet. La découverte et le positionnement d'une nouvelle terre sont symbolisés par une étoile zénithale passant à la verticale de l'île.
la constellation du scorpion - Matau ia Maui |
la rose des vents |
Les navigateurs maohi d'autrefois connaissent parfaitement l'état de la mer selon les lieux géographiques et leur ont donné des noms en fonction des difficultés rencontrées. Par ailleurs l'expérience et un sens inné de l'océan leur donnent de l'assurance dans la houle longue et courte ou dans la déferlante mata are. L'idée communément admise est, qu'ils pratiquent l'atterrissage en latitude. La tenue de cap se fait d'après le lever et le coucher de certaines étoiles selon la saison : Antarès, Aldébaran, l'Epi etc, et également d'après la direction du lever et du coucher du soleil et de la lune. La pirogue à balancier ama, plus rapide que la pirogue double, est d'avantage utilisée pour les voyages de reconnaissance. Cette dernière, appelée tipaeati ou pahi, n'est utilisée que pour des trajets plus courts ou pour des voyages de migration avec bagages et provisions. Il semble que pour eux le Sud soit plus important que le Nord, car il est toujours mentionné le premier.
le sacre du roi
Lors du sacre du Roi, au moment où celui-ci reçoit l'oeil de la connaissance, le grand prêtre déclare: regarde la montagne de l'ascension en sainteté a'hio to moua te'ae'tapu. Le Roi au même instant fait le simulacre d'avaler l'oeil puis le remet à un serviteur du prêtre. Au cours, également, de cette prière dite turui dédié à Taaroa tumu nui la grande pierre de fondation, la grande famille des dieux est priée de remplir de leur présence ce lieu sacré. Le roi entre dans le monde des dieux revêtu de la ceinture de plumes rouges et jaunes sous l'acclamation arue de la foule. Le Roi est ensuite porté par les chefs sur la pirogue sacrée appelée te Anuanua, l'arc-en-ciel. La pirogue au signal d'un coup de pagaie sur la coque s'éloigne aussitôt, et entame le voyage initiatique en direction de la passe sacrée te ava’moa sous les battements de deux tambours et des sonneries de la conque. Elle fait un tour au large puis revient au point de départ. Le grand prêtre au même moment récite la prière pure’fau’ fenua qui déclare le Roi Seigneur de la terre et de la mer ce qui lui permet d'étendre sa puissance à l'Est, à l'Ouest, au Nord et au Sud. Après l'investiture, la personne du Roi est rendue sacrée et particulièrement son front rae, le siège du mana.
construction d'une pirogue
Il y a trois genres de pirogues et deux styles d'assemblage: la pirogue à balancier de lagon, la pirogue à balancier et voile de navigation hauturière d'exploration et la pirogue double. La construction d'une grande pirogue relève d'un grand art de sorte que les artisans constructeurs sont très estimés. Une pirogue faite d'un tronc creusé est appelée va'a et une embarcation faites de planches cousues ensembles est appelée navire pahi aussi bien que va'a. Le soir qui précède la dernière nuit de la lune, le constructeur de pirogues place sa hache toki dans une niche du marae, ce geste signifie endormir la hache haamoeraa toki, puis chante l'hymne dédié aux dieux : Tane, Taere, TeFatu et Taaroa.
Va prendre la hache dans l'ouverture de Havai'i. Veille à ce qu'elle soit sortie enchantée, rendue légère, qu'elle fasse des étincelles en faisant des travaux divers. Elle est aiguisée avec du sable fin. Polie avec du sable à gros grains. Fixée avec la corde de Tane à plusieurs fils. La hache deviendra sacrée avec la corde brillante de l'artisan qui l'empoigne. Elle tient lieu de ceinture pour la hache. Pour le manche de la hache, le derrière de la hache. Pour faire un, la hache et le manche. Pour rendre légère la hache. Pour consacrer la hache. Pour mettre en mouvement la hache. Pour compléter la hache. Pour donner de la puissance à la hache.
Sur le terrain du marae, les constructeurs organisent une fête appelée, fête des artisans, aira'a tahua ohipa qui est sacrée pour eux. On tue un cochon qui est alors mouillé et placé au-dessus du feu pour en détacher la peau, et on lui arrache des touffes de soie qui sont mises de côté pour Tane, avec les paroles suivantes: Travaille avec des yeux attentifs et une hache rapide, Ei mata ora te ha'a, e toki horo, phrase consacrée de tous ceux qui travaillent pour le dieu Tane. Lorsque le cochon est cuit, on lui coupe la queue qui est alors portée avec les soies et consacrée à Tane. On présente aussi des plumes rouges ura à l'ensemble des dieux du marae. Après avoir mangé et se sentant remplis de forces, les artisans se reposent jusqu'au lendemain. A l'aube chaque homme prend sa hache, et va la réveiller en la plongeant dans la mer et en récitant les invocations suivantes :
Réveille la hache. Qu'elle voyage un peu vers la mer. Présente la, laisse-la combattre et attaquer. Que la hache aille contre l'écume. Inaugurant sa ceinture volante. Réveillée pour Tane. Grand dieu des artisans. Eveillé pour Ta'ere à l'habileté suprême. Eveillée pour TeFatu des multitudes. Eveillé pour Taaroa, père de tous les dieux.
Après cette cérémonie et avant le lever du soleil, les artisans mettent leur ceinture de travail maro puis se rendent la hache à l'épaule au lieu où se trouve l'arbre désigné pour leur pirogue. Le tronc, coupé et élagué, est ensuite amené sous un hangar pour le façonnage de la coque principale, et des bordés. Les artisans se mettent à travailler avec assiduité jusqu'à l'achèvement de la pirogue, en observant soigneusement tout ce qui peut être interprété comme un présage.
Pirogue fidjienne
Les matériaux pour la construction se composent de plusieurs essences de bois. Le Callophylum Tamanu débité en planches est utilisé pour l'avant et aussi pour faire des balanciers et des traverses. Le Thespesia miro est utilisé en planches pour l'arrière de la pirogue et l'arbre à pain sous forme de planches pour le plancher des habitacles de pont. L'hibiscus Tiliaceus sert pour la confection des rames et aussi comme bois pour le plancher. Pour les mâts, on utilise le Barringtonia hutu. Pour certaine construction quand l'arbre ne s'y prête pas trop, dans ce cas, la quille est composite. Elle est taillée dans le Tournefortia argentea tahinu, de l'Alphitonia toi et du Nauclea forsteriana mara. Les deux éléments sont polis et assemblés à l'aide de chevilles et maintenus en place par de la corde. Puis les membrures sont fixées sur la quille au moyen de chevilles et de corde et ensuite les bordés sont assemblés.
Les planches du pont sont mises en place et fixées de la même manière. Tous les interstices et les trous sont calfatés de fibre de la palme du cocotier et de la gomme provenant de l’arbre à pain. Lorsque la pirogue est terminée, elle est lavée et séchée puis peinte à l’intérieur et à l’extérieur avec de la glaise rouge mêlée de charbon de bois qui offre une bonne protection des insectes. Dans certaines îles, particulièrement les atolls, c'est de la chaux éteinte, mélangée à de l'huile végétale qui sert d'enduit de calfatage et de protection. Le balancier ama en bois de Tamanu est poli avec de la pierre ponce et solidement fixé sur le côté gauche de la pirogue au moyen de deux pièces de bois appelées iato, l’une à l’avant et l’autre à l’arrière. Avant d’être fixé, il avait été longuement trempé dans l’eau de mer pour sa préservation contre les attaques d’insectes.
Pirogues de guerre se préparant à investir l'île de Aïmeho
Puis les ornements sculptés pour la figure de proue reimua et la figure de poupe eri sont mis en place et sont appelés Rei-âre. Les deux châteaux appelés château avant oa mua et le château arrière oa muri sont mis en place. Dans le château avant un marae est installé pour le dieu. Le chef artisan fait un trou sur le plancher du pont et installe sur la quille l’emplacement de fixation du mât qui a été soigneusement immergé séché et poli. La pirogue, enfin, est dédiée à Tane. Le gréement, et les voiles faites en nattes solides sont mis en place et de longues oriflammes de tapa pendent du haut de la vergue. Le jour du lancement une multitude s'est assemblée pour assister à ce magnifique évènement. Les dieux Taaroa, Tane, Oro, et Moe sont invoqués pour la mise à l'eau de la pirogue. Elle est tirée, posée sur des troncs de bananier ou de cocotier jusqu’à la mer, quelquefois sur des sacrifiés lorsqu'il s'agit de l'inauguration de la pirogue du dieu ou du roi. Le baptême consiste à faire boire la pirogue. La proue est plongée en premier dans la mer, ensuite l'arrière et ainsi elle est consacrée au dieu Tane.
Aujourd'hui les pirogues sont en plastique ou en fibre de carbone. La pirogue n'est pas morte, les courses au large de Molokaï et de Hawaiki-nui entretiennent l'esprit du Va'a, du Vaka. Espérons que l'esprit de Tane pousse les Polynésiens à faire de la voile comme leurs illustres ancêtres: Hiro, Ru, Maui, Tane, Rata, Tafai, Tu etc.. Un petit embryon s'est créé avec la perspective de retrouver les anciennes techniques de navigation aux étoiles « le chemin de l'Avei'a », des courants marins, de la direction de la houle, des oiseaux, des signes dans le ciel etc.. C'est le renouvellement d'une grande aventure maritime qui, autrefois, reliait la mer d'Oman, l'océan indien jusqu'à l'Amérique en passant par l'océan pacifique là où a existé la technique des bateaux cousus.
Notes : La technique des bateaux cousus semble avoir été connue dès l'antiquité ( âge du bronze ): en méditerranée les Grecs l'utilisaient déja, le bateau de la reine Hachepsout a été éléboré avec la même technique. Les Arabes, les Indous et les Austronésiens ( Malayo-Polynésiens ) l'ont utilisée de la mer d'Oman à l'Océan pacifique.
Bibliographie
The voyages of captain Cook : Paul Hamlyn Dictionary : Le Davies, de John Davis - Haere po no Tahiti ( Polynésie française )Pierres et Rites sacrés de José Garanger de la Société des océanistes.
Tahiti aux temps anciens : Publication de la Société des Océanistes ( Polynésie française )
voir sur mon autre site - Origines des Polynésiens :
http://fetia.e-monsite.com/pages/origines-des-polynesiens.html
Remis en ligne le 30/10/2010
décembre 2015 - Alexandre